Lorsque les pères de la Confédération canadienne (sans femmes à la table) se sont réunis à Charlottetown en 1864, ils ne pouvaient imaginer que les tribunaux continueraient à débattre des questions environnementales des décennies plus tard...

Le Parlement en 1880 (source : Archives du Québec)
L'Acte de l'Amérique du Nord britannique (aujourd'hui connu sous le nom de Loi constitutionnelle de 1867), qui est devenu la Constitution du Canada, consacre une part importante à la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral du Canada et les gouvernements provinciaux.
Après tout, nous vivons dans une fédération.
En 1867, les choses semblaient plus simples. Les pêches ? Fédéral. La propriété et les droits civils ? Provinces. La monnaie et les banques ? Fédéral. Le mariage ? Provinces. Le droit criminel ? Fédéral.
Personne n'aurait envisagé "l'environnement" comme une catégorie de compétence à attribuer exclusivement à l'un ou l'autre niveau de gouvernement
Hydro-Québec
En 1990, le Canada a promulgué la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) en 1985 et a adopté des règlements concernant le stockage et la gestion des biphényles polychlorés (BPC).
À cette époque, les BPC étaient déjà connus comme des polluants organiques bioaccumulables et persistants. En 1990, le Canada a accusé Hydro-Québec de rejeter des BPC, en violation des règlements en vigueur.

Hydro-Québec produit de l'électricité pour approvisionner le marché québécois et vend ses surplus sur les marchés de gros.
Hydro-Québec a contesté cette loi, affirmant qu'Environnement Canada n’avait pas compétence en la matière et que la réglementation des BPC relevait du droit provincial.
Le litige a été porté devant la Cour suprême du Canada, qui, en 1997, dans une décision partagée (5 contre 4), a jugé que la réglementation de l’environnement est un domaine de compétence partagée.
La majorité a statué que le pouvoir du Canada en matière de droit criminel pouvait justifier les accusations, la réglementation, ainsi que la LCPE elle-même.
Le juge La Forest, s'exprimant au nom de la majorité, a décrit le rôle des tribunaux dans la délimitation de cette compétence partagée :
Le devoir primordial du Parlement et des législatures provinciales de faire pleinement usage des pouvoirs législatifs qui leur sont respectivement attribués pour protéger l'environnement a inévitablement imposé aux tribunaux la responsabilité de définir progressivement dans quelle mesure ces pouvoirs peuvent être utilisés à cette fin. En accomplissant cette tâche, il incombe aux tribunaux de maintenir l'équilibre fondamental entre les deux niveaux de gouvernement, tel qu’envisagé par la Constitution. Cependant, ils doivent veiller à interpréter la Constitution de manière à répondre pleinement aux réalités émergentes et à la nature des sujets à réglementer.
Dans l'affaire Hydro-Québec, la Cour suprême du Canada (CSC) a conclu que le gouvernement fédéral pouvait s'appuyer sur son pouvoir en matière de droit criminel pour interdire des comportements (dans ce cas, l'introduction de substances toxiques dans l'environnement) et appliquer cette interdiction par des sanctions, ce qui constituait l'objectif principal de la LCPE et des règlements relatifs aux BPC.
Référence relative à la Loi sur l’évaluation d’impact
Avançons jusqu'en 2023. Après une révision approfondie de la législation fédérale sur l'évaluation environnementale, le Parlement a adopté la Loi sur l'évaluation d'impact (LEI) en 2019. Des règlements ont été pris en vertu de la LEI pour désigner les catégories de projets soumis au processus d'évaluation environnementale fédérale.
L'Alberta, rapidement suivie par presque toutes les autres provinces, a contesté cette loi. Elle soutenait que le gouvernement fédéral avait outrepassé sa compétence en incluant des projets de ressources qui n'avaient pas d'effets préjudiciables relevant de la compétence fédérale, tels que les impacts sur les pêches, les oiseaux migrateurs, les réserves ou les impacts internationaux ou interprovinciaux. L'Alberta a utilisé son pouvoir pour soumettre une référence constitutionnelle devant les tribunaux, affirmant que de nombreux projets relevaient de la compétence exclusive des provinces en matière de travaux locaux et d'exploitation des ressources naturelles.

En octobre de cette année, la CSC a rendu une décision dans laquelle une majorité des juges a conclu que la LEI était partiellement invalide, dans la mesure où elle conduisait à des évaluations environnementales de projets sans impacts fédéraux et évaluait des impacts hors des sphères de compétence fédérale.
Le juge en chef Wagner a écrit pour la majorité :
Il est clair que le Parlement peut adopter des lois pour protéger l'environnement en vertu des compétences qui lui sont attribuées par la Loi constitutionnelle de 1867. Il est également possible pour le Parlement de mettre en place un régime d'évaluation des impacts dans le cadre de sa quête louable de protection de l'environnement et de durabilité... Cependant, un tel régime doit être constamment axé sur les questions fédérales... Les projets doivent être désignés en fonction de leurs effets potentiels sur les domaines de compétence fédérale, car, comme je l'ai expliqué, exiger une preuve définitive de ces effets mettrait la charrue avant les bœufs. Au stade de l'évaluation, il serait à la fois artificiel et incertain de limiter les facteurs pouvant être considérés à ceux relevant du fédéral. Mais, pour que le régime soit intra vires, son principal objectif doit être dirigé vers des questions fédérales. La décision de filtrage de l'Agence doit être ancrée dans la possibilité d'effets fédéraux préjudiciables. La décision d'intérêt public doit se concentrer sur l'acceptabilité des effets fédéraux préjudiciables. Le régime doit garantir que, dans les situations où l'activité elle-même ne relève pas de la compétence fédérale, la décision ne dérive pas vers la réglementation du projet en tant que tel ou l'évaluation de la sagesse de procéder au projet dans son ensemble. Enfin, les effets réglementés par le régime doivent s'aligner sur la compétence législative fédérale...
Le Canada est revenu à la phase de conception pour développer des modifications qui tiendraient compte des conclusions de la CSC.
Coalition pour l'utilisation responsable des plastiques c. Canada
Une coalition d'entreprises de produits plastiques et de fournisseurs de plastiques a contesté un arrêté résultant de l'inclusion des « articles manufacturés en plastique » (AMP) en tant que substances toxiques dans les règlements édictés en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, 1999 (LCPE).

Les membres partagent la conviction que les Canadiens méritent une approche politique responsable et efficace pour s'attaquer au problème des déchets plastiques dans l'environnement.
L'Alberta et la Saskatchewan ont également rejoint le mouvement, soutenant que l'Ordonnance était non seulement déraisonnable, mais également inconstitutionnelle. L'Ordonnance a ensuite été remplacée par le Règlement sur l'interdiction des plastiques à usage unique.
Le 16 novembre 2023, la juge Furlanetto de la Cour fédérale a rendu sa décision qui a annulé l'Ordonnance. Elle a constaté que l'inclusion de tous les AMP en tant que toxiques ne prenait pas en compte toutes les variables qui influenceraient la probabilité qu'un AMP spécifique pénètre dans l'environnement et cause des dommages.
À cet égard, l'Ordonnance était déraisonnable.
Elle a également affirmé que l'ampleur de l'interdiction menaçait l'équilibre du fédéralisme et ne pouvait être justifiée par le pouvoir fédéral en matière de droit criminel. Le ministre fédéral de l'Environnement a annoncé que la décision serait contestée.
Quelle est la suite?
Eh bien, pour commencer, l'Alberta a lancé le défi en adoptant la Loi sur la souveraineté de l'Alberta au sein d'un Canada uni.
Cette législation prétend donner à la province le pouvoir d'ignorer les lois fédérales qu'elle souhaite choisir d'ignorer. Elle est utilisée pour s'opposer aux Règlements sur l'électricité propre du Canada.
Il est probable que le Canada l'emporte.
Néanmoins, cela devrait donner lieu à un théâtre politique intéressant et peut-être à un processus judiciaire qui fournira encore plus d'orientations sur les limites des pouvoirs provinciaux et fédéraux en matière d'environnement.